Questionner notre perception du café

Pourquoi le robusta a-t-il sa place dans l'industrie du café de spécialité?
Dans notre découverte de la variété de saveurs et profils des cafés ougandais, on ne pouvait manquer l’occasion d’en apprendre d'avantage sur le robusta.

Le robusta est endémique d'Ouganda et représente 80% de la production du pays. Dans les plaines et les jardins, on entrevoit ça et là, la forme typique des caféiers robusta. Ils font partie du paysage et des traditions du pays.
C'est aussi une ressource économique importante pour de nombreuses familles, qu'il s'agisse de simples cueilleurs saisonniers recrutés pour la récolte ou de petits producteurs, propriétaires de quelques hectares et processant leur propre café.

Il existe également d’énormes plantations de café, avec des centaines de milliers d’arbres dans une zone si vaste qu'on se croirait comme dans le little Brésil du café Ougandais. De grandes exploitations, tels des outils pour brasser de la main-d'oeuvre et du volume.
Traditionnellement, le robusta d'Ouganda suit le mode de préparation dit "naturel" avec des cerises mises à sécher directement au soleil, à même le sol ou sur une toile jusqu'à atteindre le taux d'humidité suffisant (12%).

C'est dans ce contexte que nous avons eu la chance de rencontrer un petit producteur, Stephan Katongole, dont la ferme est située dans le district de Sembabule à environ 1250 m.a.n.m.
Oui, le robusta peut survivre à si haute altitude et se trouve même en très bonne forme!

Nous arrivons à la ferme de Stephan au début de la récolte et voyons des arbres remplis de grosses cerises à différents niveaux de maturité.

Au fil des jours passés sur la ferme, nous aurons l'occasion de voir et de participer à différentes tâches, depuis la cueillette sélective, exigeante et fastidieuse, de cerises rouges bien mûres jusqu'au processus de lavage complet des grains de café.

Du robusta lavé?
Oui, oui, vous avez bien lu!
Lorsque Stephan a repris l'exploitation familiale il y a 7 ans, il a décidé de commencer à produire du café différemment. Pour faire face aux difficultés d’accès au marché international, à la mauvaise perception du robusta et pour rivaliser avec les grandes multinationales brassant du volume, il n’y avait qu’une issue: proposer autre chose et le faire mieux!

C'est ainsi qu'il a commencé, petit à petit, passant du dépulpeur manuel à l'eco-pulpeur,

des cuves de fermentation après des tables de séchage,

à produire un robusta entièrement lavé.

Stephan n'est peut-être pas le premier, mais il est certainement l'un des pionniers dans l'histoire ougandaise des robusta fins.
C'est ainsi est née sa marque Coffeeyouknow et son robusta single origin entièrement lavé.

Le résultat en tasse est absolument étonnant, surtout pour un(e) non initié(e) au robusta.
Ce qui frappe d'abord, c'est l'absence d'amertume si caractéristique du robusta de mauvaise qualité. Ici c'est totalement le contraire... Dès la première gorgée, on est vraiment frappé par la douceur et la propreté de la tasse.
L'équilibre et la constance sont les autres points forts de ce café. Il révèle des notes nettes de chocolat au lait, de noisettes grillées (type praliné), de canne à sucre (panela), de dulce de leche et même de réglisse avec de très légères acidités de pomme rouge. Un corps dense et crémeux avec un arrière-goût long et fruité... On se dit qu'il ferait un excellent espresso single origine.

Pour être honnête, en arrivant à la ferme le premier jour, j'apprehendais un peu mes propres préjugés et ma propre considération du robusta, avec mon palais tellement habitué à l'arabica. Il a cependant fallu peu de temps pour me convaincre. J'ai tellement aimé le robusta produit par Stephan que je suis en passe de me convertir en l'avocat de ce petit diable :-)
Cela m'a en outre poussé à m'interroger sur la notion de qualité, sur ce qui est à la base d'un bon café. Les variétés ont bien sûr leurs propres formes et caractéristiques. L'Arabica et le Robusta ne seront jamais identiques.

Mais n'oublions pas que le café fait partie de tout un (éco) système. Le résultat final en tasse dépend de nombreux paramètres: le terroir, les pratiques agricoles, la sélection des cerises, le contrôle du processus post-récolte, le stockage etc… Tous ces aspects ont un impact sur la qualité d'un café.

Blâmer le robusta et le traiter comme indigne ou grossier, simplement parce que la majorité du marché se soucie encore moins de sa qualité que pour le sacro-saint arabica, c’est finalement faire preuve de peu d'ouverture d'esprit.
Chaque café, quelle que soit sa variété, devrait avoir la chance de s'offrir à notre tasse et de réserver les meilleures surprises à notre palais raffiné.
En tant que défenderesse de la non-discrimination entre les cafés, je vais maintenant attendre patiemment que la nouvelle préparation de robusta honey de Stephan soit prête pour la dégustation!
