VIDA... La vie au centre de la production de café

Il était impossible de passer au Mexique sans visiter la région de Veracruz, la deuxième zone de production après le Chiapas.

Cette région est connue sous le nom de la Bande d'or qui s'étend du sommet d'Orizaba à Xalapa. Trois municipalités - Ixhuatlan, Huatusco, Chocamán - concentre la production la plus importante de café biologique de Veracruz, générant un impact significatif au niveau économique et environnemental pour la préservation de la biodiversité.
C'est à cette occasion que nous avons rencontré Gisela Illescas et Briseida Venegas de l'organisation VIDA, une coopérative de production de café biologique et agroécologique.

Après une rapide introduction sur les caractéristiques et l'importance du café dans la région, Gisela et Briseida reviennent sur les défis auxquels doivent faire face les producteurs et comment intervient dans ce contexte.
Les défis de la caféiculture.
Le prix et le changement climatique affectent les producteurs. Le prix international ne permet plus aux petits de vivre uniquement du café. Ils se voient contraints à changer à intégrer d’autres culturesmoins exigeantes suivant des modèles d’agriculture conventionnelle, avec une monoculture sans ombrage utilisant des intrants chimiques de façon plus ou moins raisonnée.
"C'est un problème grave, c'est comme un cercle vicieux. Il y a des prix bas, donc les populations émigrent avec pour conśequences la désintégration familiale, la violence... On constate un impact du global vers le local."
VIDA a été créée comme organisation militante intégrant une vision transformatrice. Son objectif est de générer un changement vers une meilleure justice sociale pour améliorer la vie des communautés rurales et des familles. VIDA, comme son nom l'indique, place la vie et la dignité au centre du système de production et reconnaît la contribution des femmes à la culture du café, notamment à travers sa marque Femcafé.
"Lorsque nous parlons de café, nous ne parlons pas seulement de la culture du café, mais également de la manière dont une récolte apportée par les colons il y a près de trois siècles s'est intégrée dans un territoire, une communauté, un écosystème" explique Gisela.
Il faut aujourd'hui réfléchir concrètement aux moyens de lier la production de café aux systèmes alimentaires traditionnels. Avec VIDA, cela passe par l'agroécologie. Parce que l’agroécologie, en plus d’être un ensemble de pratiques favorisant la conservation des sols, de l’eau et de la biodiversité, nous amène également à réfléchir à notre mode de vie en communauté dans un contexte d’inégalité et de pauvreté et face au système d'oppression que représente le système alimentaire mondial.

"Notre plus grande force, c'est l'espoir d'un changement possible. Mais le premier changement, c'est nous-mêmes qui devons l'initier. On ne peut pas attendre que quelqu'un le fasse à notre place..."
Peut-on bien vivre quand on est paysan?
La coopérative a mis en place plusieurs lignes d’action intégrant les principes d’équité et de justice.
Agroécologie
C'est le programme qui régit la culture du café biologique. Cela implique de disposer plantes de bonne qualité, une gestion de l'ombrage, une gestion intégrée des sols et l'intégration de cultures vivrières.
Dans le cadre de ce programme, les producteurs apprennent également comment ajouter de la valeur à leur produit. Grâce à l’installation par exemple, de machines pour dépulper les cerises de café, de petits producteurs peuvent préparer le café parche vendu à un prix bien meilleur que les simples cerises.

La coopérative leur enseigne également ce qu'est un café de spécialité et comment obtenir un produit de qualité qui fera la différence sur le marché. Comment sélectionner les meilleurs fruits dès la cueillette, comment retirer les flotteurs et grains potentiellement défectueux? Comment préparer des cafés lavés, honey en contrôlant les temps de fermentation et de séchage?

VIDA organise cet apprentissage en collaboration avec des ingénieurs agronomes et autres experts qui se déplacent sur le terrain. Les producteurs ensuite s'entraident les uns les autres en partageant cce savoir-faire avec les autres familles de leur communauté.
Souveraineté alimentaire
La problématique de la souveraineté et de la justice alimentaire est également au coeur du projet VIDA. Comme les systèmes agricoles conventionnels favorisent la monoculture sans ombrage, la rotation et la complémentarité des cultures a disparu et, avec elles, l'autosuffisance alimentaire des producteurs de café.

Il y a un grand travail de sensibilisation pour réintégrer les cultures vivrières qui permettent aux communautés de se nourrir: haricots, oranges, citrons, avocats s'intègrent parfaitement dans la caféiculture. Ils peuvent ensuite être échangés grâce à un système de troc avec d'autres aliments qui ne poussent pas dans la région. Le maïs par exemple, aliment fondamental de la culture mexicaine et qui sert de base à de nombreuses préparations (tortillas, tamales, atole ...)
Intergénérationnalité
Dans un monde où la vie paysanne est dénigré, il est important de préserver des liens entre les générations et d'intégrer les jeunes afin qu'ils ne méprisent pas leur terre et la valeur du travail paysan. Il y a eu dans le passé une forte dépréciation de la vie paysanne. On s'entendait dire alors:
«Étudie pour ne pas finir paysan»
Une phrase a priori banale qui en dit long sur notre perception du succès avec comme principale référence, la richesse matérielle. Les conséquences à long terme peuvent êtres lourdes pour les communautés paysannes: déracinement des jeunes à leur terre d'origine, violence, délinquance exode rural et fuite des générations aux États-Unis.
L'intégration des jeunes doit être structurelle au sein des organisations et des familles. Il faut encourager les jeunes à s'impliquer dans leurs communautés paysannes. Au sein de VIDA, des "groupes d'épargne" ont été imaginés pour que les enfants apprennent à épargner et à gérer leur argent dès le plus jeune âge. Ils sont accompagnés par les plus anciens dans cet apprentissage. Ainsi se maintient le lien entre différentes générations.
"Il faut changer les mentalités, il faut inculquer l'amour du café et de tout ce qu'on travaille"
Cet amour de la terre, l'attachement au territoire... C'est important. C'est la fierté d'être paysan et petit producteur.
"Il faut changer les mentalités, il faut inculquer l'amour du café et de tout ce qu'on travaille" conclut Briseida
