L'arbre qui cachait la forêt #2

Dans notre série "L'Arbre qui Cachait la Forêt."
Cette fois, nous nous dirigeons vers la ville de Yogyakarta dans le centre de Java, en Indonésie.
Nous rencontrons Russelin & Tauhid du projet Wikikopi à l'espace collaboratif Antologi.

After being served a nice brew and espresso, we start with the introduction of the project Wikikopi, a cooperative school dedicated to education about business and coffee
On commence par une petite dégustation des cafés du moment: un café de Sulawesi en V60 et un Java en espresso. Nous voilà prêts à commencer!
Russelin nous introduit le projet Wikikopi, une école coopérative dédiée à l’éducation sur le commerce et le café.

Tauhid, l'un des fondateurs, nous explique que leur principale motivation au début était en réalité l'éducation, pas le café.
Il nous explique en effet les lacunes du système éducatif en Indonésie et le manque de perspectives pour des jeunes perdus dans notre société ultra-connectée.
Il fallait trouver une alternative.
Une alternative qui aurait comme fondement la collaboration et comme objectif le développement des compétences humaines et transversales (soft skills) pour la création de projets durables pour l'Indonésie et ses habitants.
Un projet ambitieux certes, mais pas surréaliste!
"les agriculteurs sont les gardiens de l'écologie"
Pour y parvenir, il fallait néanmoins trouver un cadre, une matière à travailler.
Et c'est le secteur du café, de la production à la commercialisation qui leur a semblé le plus adéquat.
Pourquoi avoir choisi la cafeiculture et, plus généralement, le secteur de l'agriculture comme cadre de travail?
Parce que "les agriculteurs sont les gardiens de l'écologie," explique Russelin.

L'Indonésie a toujours un secteur agricole très important.
Grâce à l'étendue et la diversité de ses terroirs allant de Sumatra à la Papouasie, beaucoup de matière premières peuvent être produites: riz, coco, cacao, café, fruits exotiques en tout genre, manioc, légumes, noix, etc.
Avec ses ressources naturelles, l'Indonésie aurait la capacité de produire des aliments pour couvrir sa propre consommation et ainsi assurer sa souveraineté alimentaire.
Pourtant, la majorité de cette production est exportée pour obtenir des revenus plus élevés.
Les produits sont ensuite transformés quelque part dans le monde puis à nouveau importés à moindre coût.
Image éloquente des possibles travers de la mondialisation...
Prenez le café par exemple. L'Indonésie en est l'un des plus importants producteurs au monde. Ils importent pourtant du robusta vietnamien de qualité médiocre poir la production de leur café instantané et et autres préparations à base de lait, consommés chaque jour par la grande majorité de la population.

Est-ce à dire que la forte démocratisation de la consommation de café impliquerait nécessairement une forte dépendance à l'égard des importations de produits bons marche et une renonciation à la souveraineté alimentaire?
Faut-il alors renoncer à la qualité pour les produits de grande consommation?
L'initiative de Wikikopi prend le contrepied de cette tentative d'uniformisation par le bas.
Le choix du café est stratégique. Depuis les warkop (cefeteria) des villes jusqu'aux montagnes qui servent de foyer à l'arabica, en Indonésie le café est l'affaire de presque tout le monde. Une matière de travail idéale donc pour proposer un modèle alternatif.
"Si l'on fait quelque chose, il vaut mieux le faire ensemble."
Petit à petit, grâce à leur système éducatif novateur, l'équipe de Wikikopi a réussi à couvrir toute la chaîne de valeur. En amont de la chaîne, (la production et la transformation), ils ont soutenu la structuration du secteur en coopératives ce qui a permis d'améliorer la qualité et la productivité. En aval, ils ont favorisé le développement d'un marché intérieur fournissant à la fois des compétences techniques et de gestion pour les différentes activités du secteur du café.
Pourquoi avoir choisi le modèle de coopérative?
"Parce que si on fait quelque chose, il vaut mieux le faire ensemble"
C'est aussi simple que ça.

"[Nos étudiants] apprennent et peuvent ensuite partager les connaissances acquises."
Qu'en est-il du projet après quelques années?
Plutôt encourageant! Les personnes ayant suivi leur formation sont aujourd'hui dirigeants de leurs propres coopératives de café, torréfacteurs ou encore de manager de cafétéria.
Quant aux enfants de producteurs ayant aussi participé à la résidence Wikikopi:
"ils apprennent et peuvent ensuite partager les connaissances acquises avec leurs parents producteurs, tels des ambassadeurs qui contribuent à la propagation de ce modèle alternatif."
L'exigence de qualité s'impose en outre à tous les niveaux pour avoir un impact sur l'ensemble de la chaîne de valeur et assurer la maturité du marché interne pour absorber la production. C'est grâce à ce travail de fond qu'à l'heure actuel, toute leur production est consommée en interne et à un meilleur prix que celui offert par l’exportation.
Ainsi le café s'est-il révélé l'outil adéquat pour mettre en œuvre un programme éducatif d'une autre nature tout en améliorant les conditions du secteur du café.

Le même paradigme pourrait-il servir de modèle de développement à d’autres produits de base?