Profilage du Café Ougandais # 2

Café arabica de Kisoro - Lac Mutanda
Nous passons maintenant à l'extrême sud-ouest de l'Ouganda, dans la ville de Kisoro, à seulement quelques kilomètres de la frontière entre le Rwanda et la RDC.
Après un long voyage en matatu (bus local qui s’arrête dans tous les villages et en bord de route pour amasser le plus de personnes possible ˆˆ), nous arrivons enfin à la ferme de la famille de Peter Halerimana, où nous passerons une semaine .

Peter est maintenant propriétaire de 1 000 caféiers arabica. Après avoir travaillé comme ingénieur à Kampala, il a décidé de revenir au travail de la terre il y a 20 ans. C'est là qu'a commencé son histoire avec le café.

Alors que nous marchons à environ 1 900 m.a.n.m., nous réalisons que nous sommes sur les pentes d’un volcan. Nous reconnaissons la forme caractéristique de la roche de lave. Dès que nous arrivons à la ferme, nous sommes absolument stupéfaits par la vue qui s'offre à nous, vers le lac Mutanda entouré par les 3 volcans: le mont Muhabura, le mont Sabinyo et le mont Gahinga.

Nous sommes chaleureusement accueillis par Isabelle, la femme de Peter et son fils Ronald, qui s’occupe de la ferme avec son père. Juste après le déjeuner, nous participons à une des activités touristiques phare de Kisoro: un circuit découverte du café co-organisé par la famille de Peter. Après avoir parcouru la ferme pour voir les caféiers et les cerises, les personnes assistent au dépulpage, au retrait du parche au mortier,

à la torréfaction traditionnelle dans une poêle et à la mouture manuelle.

Ensuite vient l'heure de la dégustation. De la torréfaction claire-moyenne à la plus foncée, les invités peuvent alors goûter et choisir celle qu'ils préfèrent.

Et voilà comment en à peine quelques heures, nous sommes tombés dans notre première tasse de café :-)
Pour être honnête, nous ne nous attendions pas à trouver de telles saveurs. Rien à voir avec le café de Sipi. On a ici un corps léger avec des acidités plus complexes, des notes citriques et de pomme, de caramel clair, de vanille... Derrière cette préparation très simple et traditionnelle, on perçoit un grand potentiel pour ce café.

Au cours des jours passés avec la famille de Peter, nous apprendrons beaucoup de choses inattendues sur le café de cette région.
D'abord, que la période de récolte n'est pas la même que dans le reste du pays. Et pour cause, Kisoro est situé dans l'hémisphère sud, à la frontière avec la RDC et le Rwanda. Alors que dans les autres régions où nous sommes allés, les récoltes vont d'octobre à février, le café de Kisoro est récolté de mars à juin.
Ce sont donc d’autres tâches qui nous attendent en cette saison des pluies et c’est Ronald qui nous guidera pour les prochains jours. Ronald nous explique d’abord que la ferme est gérée de suivant les principes de l'agriculture biologique et l’équilibre naturel de l’écosystème.

Les caféiers ont de nombreux voisins dans les fermes: haricots en tout genre, pommes de terre, manioc, igname, oignons, légumes, avocat, banane et matoke (banane verte) ... Tous sont introduits à différentes phases de la vie du caféier, afin d'éviter la concurrence et assurer la complémentarité avec les cultures vivrières.

Même les trois vaches de la ferme prennent soin des caféiers!
Une préparation spéciale composée de leur urine, de piment rouge, d'ail ou d'oignons et de cendres de bois est vaporisé tous les mois en tant que traitement régulier contre les maladies et les parasites.
La ferme héberge également une pépinière de café pour distribuer des plants aux agriculteurs environnants et favoriser le développement de la production de café dans la région.

Cela se fait sous l'égide et sous le contrôle de l'UCDA - Autorité Ougandaise de Développement du Café.
Le mandat de l’UCDA est de promouvoir et de superviser l’industrie du café en soutenant la recherche, en promouvant la production, en contrôlant la qualité et en améliorant la commercialisation du café afin d’optimiser les recettes en devises du pays et les paiements aux producteurs."
C'est ainsi que l'UCDA a encouragé la production de café biologique et la distribution de caféiers dans la région de Kisoro au cours des 10 dernières années.
Les producteurs peuvent ainsi se procurer gratuitement des plants de café chez Peter qui émettra un reçu envoyé au bureau local de l’UCDA. Pour chaque plant distribué, cette dernière lui versera une petite rémunération. C’est un moyen de soutenir et de contrôler la distribution gratuite des semences.

Pendant que notre séjour chez Peter, nous avons également compris l’importance du désherbage. Le café, quand il est encore qu'une pousse, est en concurrence avec de nombreuses autres plantes qui utilisent toute la lumière, les nutriments et l’eau pour se développer. Sans un désherbage régulier, les caféiers n'ont aucune place et aucune chance de devenir un arbre profondément enraciné.

En agriculture biologique, l'utilisation de Roundup ou équivalent est catégoriquement exclu ; la main d'œuvre humaine est essentielle. Et sur une ferme d'un millier de caféiers, on n'a vraiment pas le temps de se tourner les pouces.
Il est difficile de résumer notre expérience au sein de la famille de Peter. Outre quelques notions de rufumbira, la langue locale de Kisoro, et quelques préceptes de la production biologique, de la cuisson de plantes ou de légumes endémiques de la région, nous avons appris que la production de café est un processus constant et exigeant. Cela requiert de bonnes méthodes, de la rigueur et de la patience à chaque étape pour obtenir le meilleur des grains.
Mais surtout, en ce qui concerne notre passion pour le café, nous avons découvert une région merveilleuse avec un café plein de potentiel encore ignoré par l’industrie du café de spécialité.

Il y a beaucoup de travail passionnant à faire pour améliorer les méthodes agronomiques et de process afin d’atteindre une meilleure qualité et une productivité.
Alors, qui se lance?