Le Café en Colombie


L’industrie du café est extrêmement importante pour l’économie colombienne. Elle représente 22% du PIB agricole du pays et la principale source de revenus de plus de 550 000 familles. C'est aussi le produit le plus exporté. En termes de surface, la culture du café occupe une place très importante sur 22 des 32 départements du pays. Par ailleurs 96% des producteurs sont petits et disposent en moyenne de 1,3 hectare de café.
REGIONS DE PRODUCTION

Les principaux départements producteurs de café sont: Huila, Antioquia, Tolima, Caldas, Valle del Cauca, Cauca, Risaralda, Santander, Cundinamarca, Nariño, Quindío, Norte de Santander, César, La Guajira, Magdalena, Boyacá, Meta, Casanare et Caquetá. La Colombie bénéficie d’une grande diversité climatique et d’une topographie favorable pour accueillir plusieurs écosystèmes. La situation géographique spécifique de chaque région caféière détermine les conditions particulières de disponibilité de l’eau, de température, de rayonnement solaire et de régime des vents. On peut donc récolter du café toute l'année en Colombie. Dans la plupart des régions productrices, la période de floraison va de janvier à mars avec une seconde de juillet à septembre. La principale récolte a ainsi lieu entre septembre et décembre. La seconde appelée "mitaca" se produit entre avril et juin. La récolte principale et la mitaca peuvent différencier dans d'autres régions en fonction de leur latitude.
VARIETES
Les principales variétés cultivées sont: Typica, Bourbon (jaune, rouge, rose, orange), Caturra (jaune et rouge), Maragogype, Pacamara, Castillo, Colombie, Marsellesa, Tabi. Récemment, la variété Geisha - connue pour sa complexité et sa qualité élevée malgré son faible rendement - a été introduite à titre expérimental. La Fédération nationale des producteurs de café de Colombie préfère encourager l'utilisation de variétés hybrides plus productives, résistantes aux maladies et au changement climatique. Il existe dans le pays d'importants centres de recherche consacrés à l'étude et à l'amélioration de tous les aspects liés à la culture du café et à ses communautés: Cenicafé entre Manizales et Chinchina; Tecnicafé près de Popayán, Cauca.
PROFIL EN TASSE
La Colombie est connue pour la production de café délicat avec une acidité relativement élevée, un corps équilibré, un arôme intense et un profil sensoriel d'excellente qualité. Toutefois, d'une région à l'autre, le café peut offrir un profil organoleptique très différent. Dans le sud du pays par exemple, près de l'équateur, le café est produit à une altitude plus élevée et à des températures qui, sans être extrêmes, sont tout de même plus basses. Les cafés produits dans des régions spécifiques telles que Nariño, Cauca, Huila ou Sud Tolima ont des cycles de récolte particuliers et produisent généralement des cafés avec une acidité plus élevée. En revanche, les cafés produits dans le nord du pays - dans des régions telles que la Sierra Nevada de Santa Marta , la Serranía del Perijá ou les départements colombiens de Casanare, Santander et Nord Santander - ont une offre climatique différente. Ils poussent à des altitudes plus basses et à des températures plus élevées. Les cultures sont également fréquemment protégées du rayonnement solaire par différents niveaux d’ombrage. Une série de facteurs qui modifient le profil en tasse: généralement moins d'acidité mais un corps plus profond.
UN PEU D'HISTOIRE

Plusieurs versions racontent l’arrivée du café en Colombie. Le témoignage le plus ancien est attribué au jésuite José Gumilla en 1730. Ce n’est que cent ans plus tard, en 1835, que la première production commerciale de café eut lieu dans la région alors appelée "Los Santanderes". L'histoire raconte qu'un prêtre du nom de Francisco Romero faisait pénitence aux pécheurs et leur demander de semer un caféier pour expier leurs péchés. Ainsi, la culture du café s'est-elle étendue dans tout le pays, à travers les pénitences opérées. Cette histoire est aujourd’hui encore bien connue et volontiers racontée par les producteurs.
C’est à partir de 1870, que l’accent fut mis sur l’exportation. À cette époque, le café était considéré comme un produit national de premier ordre dominant même l’or et le tabac. Le premier élément déclencheur fut la diminution des coûts de transport grâce au développement du chemin de fer dans le pays. Cela permit de sortir les zones de café de l'isolement et de donner un nouvel élan à la croissance des exportations de café. Grâce à ces nouvelles infrastructures, le niveau des exportations est passé de 17% en 1870 à 40% à la fin du 19e siècle. Ensuite avec la colonisation au début du 20e siècle, la structure de la propriété caféière a été radicalement modifiée la prolifération de petites et moyennes propriétés plutôt que de grands domaines. Cependant, le commerce d'exportation est resté entre les mains des grands propriétaires d’haciendas et des entreprises étrangères. En 1930, dix entreprises dominaient le commerce d'exportation et six d'entre elles étaient des étrangers, représentant 40% du marché.
Une structure et une répartition du pouvoir qui restent d'actualité dans le paysage caféier actuel, avec plus de 500 000 petits producteurs contribuant à 55% de la production sans pouvoir vivre décemment du café. C'est à cette même époque, en en 1927, que fut créée la Fédération Nationale des Producteurs de Café pour défendre les intérêts des caféiculteurs.
LA FEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE CAFE (FNC)
La FNC est une organisation fédératrice et démocratique qui représente les intérêts d'environ 523 000 familles colombiennes. Son objectif est de "consolider la production et le développement des communautés de, en garantissant la durabilité de la culture du café et le positionnement du café colombien comme le meilleur au monde".
La FNC agit en tant qu'organisme de réglementation du marché du café. C'est un modèle unique au monde. Elle est habilitée à gérer, par délégation de pouvoir du gouvernement, le Fonds national du café : "un compte du trésor public dédié en permanence à la défense, à la protection et à la promotion de l'industrie du café colombienne (...)"
La FNC assure une garantie d'achat à de nombreux producteurs grâce à un système de coopératives régionales. Ce système de commercialisation compte 36 coopératives, 492 points d’achat et 13 entrepôts qui stockent, transforment et exportent le café. La Fédération possède également la plus grande entreprise de lyophilisation du café au monde située à Chinchiná, dans la région centrale de production, el eje cafetero. Toutefois, malgré son rôle important dans la régulation du marché, la FNC n’est pas exempte de critique. Au fil des années, des décisions qui semblent favoriser les intérêts privés et affaiblir le secteur du café ont été remises en question et suscitent la méfiance des petits producteurs.
LES DEFIS DE L'INDUSTRIE DU CAFE EN COLOMBIE
Critique de la Fédération Nationale des Producteurs de Café
La Fédération nationale des producteurs de café est critiquée pour s'être éloignée de la réalité du terrain et de la situation économique régionale pour favoriser un groupe fermé de producteurs et exportateurs de café. La bonne gestion des ressources du Fonds National du Café a également été mise en doute. Enfin, le développement d'une stratégie de modernisation de l’industrie, ne tenant pas compte de la logique, de la connaissance des producteurs et des conséquences environnementales, a été vivement critiquée.
Une extrême concentration des terres...
Le processus de concentration des terres est un problème structurel, exacerbé par l’absence de réforme agraire, provoquant une plus grande insécurité et une délinquance croissante. La structure agraire de la Colombie a subi une transformation considérable, passant à une forme de propriété capitaliste "moderne" qui représente 40 à 70% des terres les plus fertiles dont la production est destinée au marché extérieur et avec une utilisation réduite de la main-d'œuvre.
... qui contraste avec une parcellisation excessive
Paradoxalement, on peut observer en parallèle une division excessive des terres cultivables en très petites propriétés. Des petits producteurs (beaucoup n’atteignent pas 2 ha) qui sont épuisés, improductifs, peu formés et incapables de relever seuls les défis du changement climatique.
L'extrême pauvreté en jeu
Beaucoup de plantations de café correspondent à un modèle typique d’agriculture familiale où café représente la principale source de revenus pour toute la famille malgré la baisse continue des prix au cours des quatre dernières années, la perte de résistance des variétés hybrides à la rouille, la hausse des températures favorisant la propagation des maladies et des parasites, la hausse des coûts de production (main-d'œuvre, engrais, etc.). , engrais etc ...), la réalité d’une culture qui a encore besoin de 60% de main d’œuvre humaine (cueillir des cerises de café sur les pentes des collines où l’arabica pousse), le manque de rentabilité des petites exploitations...
Face à tous ces problèmes, les familles de café ne sont plus en mesure de vivre uniquement de café et courent souvent le risque d'une extrême pauvreté. Elles n'ont pas d'autre choix que de diversifier leurs cultures (avec la banane par exemple), de trouver des emplois complémentaires en dehors voire dans certains cas, d’abandonner la culture du café pour se consacrer au bétail ou investir dans des activités touristiques.
Cette tendance est très nette dans le département de Quindío, au sud de la zone caféière principale. Cette région était l'une des plus productives dans le passé et si on y trouve encore un peu de café, la plupart des exploitations se sont transformées en fermes d'élevage ou en attraction pour les nombreux touristes passant par cette région.
Investir dans des infrastructures adaptées
L’industrie du café en Colombie pâtit d'infrastructures inadaptées à ses vastes régions montagneuses, en particulier dans les départements de Cauca, Huila, Tolima et Nariño. L’acheminement de la marchandise vers les grandes villes pour vendre du café constitue le plus gros défi pour certains producteurs. Certaines zones n’étant accessibles que par moto, le volume transportable s’en trouve considérablement limité. Et il semble que ces producteurs isolés ne reçoivent pas beaucoup d’aide pour améliorer l’état général des routes. Le gouvernement local et le gouvernement fédéral doivent investir dans ce domaine.
" Les Colombiens doivent apprendre à boire du bon café."
Améliorer la consommation du marché intérieur.
En Colombie, le café est la boisson la plus appréciée du pays et représente 47% de la consommation de boissons. 90% des Colombiens considèrent le café comme la boisson nationale et 84% que le café est le symbole du pays. Le café est associé à une tradition de convivialité et 50% des consommateurs ont commencé à le boire avec du lait avant 10 ans. Après 30 ans, le tinto (café noir filtré) devient la boisson reine. Beaucoup le boivent avec de l’agua panela, (eau aromatisée au sucre de canne non raffiné), autre produit vedette du pays. La Colombie a donc un potentiel de consommation très intéressant. Mais alors… Pourquoi la plupart du café est-il produit pour l'exportation?
D'abord parce que depuis la fin du 19ème siècle, l'industrie du café était orientée vers l'exportation. Ce qui signifie que le meilleur café sortait du pays et celui de moins bonne qualité est toujours resté pour la consommation interne. Les Colombiens se sont habitués à boire ce tinto amer sucré à l’eau de panela.
La Fédération indique également que le panier moyen en Colombie ne permet pas la consommation de cafés de haute qualité destinés à l’export.
En outre, le pays a été gravement touché par les conflits armés opposant le gouvernement, les paramilitaires et les trafiquants de drogue, qui ont fait de nombreuses victimes parmi la population. Face à une crise humanitaire aussi grave, il était difficile de proposer un plan de développement gastronomique et une éducation au café de qualité. C'est pourquoi le directeur de la société Café San Alberto, Juan Pablo Villota, affirme que "le Colombien doit aujourd’hui apprendre à boire du bon café". Toutefois, le pays évolue et, avec lui, la tendance du café de qualité.
Une classe moyenne dotée d'une meilleure capacité d'achat est en effet apparue au cours des 10 dernières années. Cette tendance permet le développement de cafétérias spécialisées dont l’objectif est de sensibiliser les consommateurs à la richesse et à la diversité du café colombien, en leur faisant connaître les différents arômes d’une région à l’autre afin qu’ils valorisent le travail des producteurs. Il reste encore beaucoup à faire, mais la tendance est à la qualité de la consommation et de la production de café colombien.
LES FORCES DU CAFE COLOMBIEN
La marque "Café de Colombie" et la figure de Juan Valdez

Juan Valdez est né en 1959, lorsque la Fédération colombienne des caféiculteurs a eu pour ambition de faire connaître le café colombien dans le monde entier. A travers Juan Valdez, sa mule (Conchita) et les montagnes des Andes en arrière-plan s’exprimait la qualité du café de Colombie. Cette stratégie de marque, qui vise à positionner un personnage fictif (Juan Valdez n'a jamais existé), a servi d'exemple dans le monde entier pour sa grande efficacité à faire connaître un produit agricole. Fort de ce succès, la FNC a décidé en 2002 de créer une franchise et d'ouvrir son premier Magasin Juan Valdez à l'aéroport international El Dorado de Bogotá. Depuis cette année, les magasins Juan Valdez sont présents dans plus de 14 pays du monde.
Indication Géographique et Appellation d'origine
Le café colombien est une indication géographique protégée officiellement reconnue par l'Union européenne le 27 septembre 2007. Le terme café colombien est également une marque déposée et une appellation d'origine protégée. Ceci est le résultat d'un excellent travail de la Fédération visant à faire du café colombien une marque de café de haute qualité reconnue dans le monde entier.
Gande diversité de profils sensoriels
Du nord au sud du pays, les cafés colombiens offrent une grande diversité de saveurs en raison de multiples facteurs géographiques, climatiques et de préparations (process) qui affectent toute la chaîne de production, de la graine à la tasse.
Focus sur le café de spécialité
Si la Colombie a toujours été considérée comme un producteur de café de qualité supérieure, faisant de «l’Excelso» ou du «Supremo» véritables références sur lemarché, la tendance du café de spécialité a révolutionné notre perception de ce que doit être un bon café.
Il existe maintenant des critères d'évaluation physique et sensorielle qui permettent à d'autres types de cafés, d'autres origines, d'accéder au marché des cafés de qualité supérieure. Face à ces nouveaux concurrents, la Colombie ne peut pas simplement se reposer sur ses lauriers et prendre pour acquis ce qu'elle avait réalisé en tant que troisième producteur mondial.
Le paysage du café a en outre évolué au sein même du pays. Si on parlait traditionnellement de la « ceinture du café » (eje cafetero) en référence aux départements de Caldas, Quindío et Risaralda, cela fait déjà quelques années que l'intérêt des acheteurs s'est tourné vers le sud, dans les départements de Valle de Cauca, Cauca, Huila et Nariño. Il faut aussi de noter que les acteurs du café de spécialité (producteurs, coopératives, torréfacteurs) et les centres de recherche tels que Tecnicafé investissent temps et argent dans des expérimentations autour des process - de fermentation et de séchage - pour améliorer la qualité du café, réduire les coûts de production, générer de meilleures performances et de meilleurs revenus.
Ces mêmes acteurs veillent également à l’éducation des producteurs, en particulier des plus petits et des plus isolés, afin qu’ils comprennent mieux les étapes du processus de la graine à la tasse. L'objectif est de leur montrer la voie à suivre pour accéder au marché de spécialité qui offre une meilleure valeur ajoutée et peut contribuer à améliorer la qualité de vie des producteurs.
Cette « nouvelle vague » encourage aussi les jeunes à prendre la relève. Les cafétérias spécialisées sont de plus en plus présentes dans les grandes villes. Sur le terrain aussi, la nouvelle génération, plus jeune et ayant eu accès à l’éducation de base, est encouragée à prendre le relais pour récupérer les terres abandonnées pour maintenir la tradition du café, pour mettre en œuvre de bonnes pratiques agricoles et pour soutenir les petits producteurs avec des projets innovants.
REFERENCES
- Interview avec l'équipe deCaravela Coffee, Azahar Coffee, Invercafé, Flor de Apia, La Aurora (Manizales), La Meseta, La Venta Estate Coffee, Indestec, Tecnicafé, Coocentral
- ¿Como crear valor al café colombiano en Colombia? Trabajo de Grado por Thibault Chauvin
- Régions de production de café en Colombie
- Café de Colombie
- Fédération Nationale des Producteurs de Café de Colombie
- L'importance du Fonds National de Café
- Le Colombien doit apprendre à boire du bon café