Café de spécialité, relève générationnelle et changement de paradigme

Dans le monde entier, on observe de plus en plus d'initiatives de jeunes producteurs ou de professionnels du café faisant le choix du café de spécialité pour répondre à divers défis, parmi lesquels la crise des prix du marché mondial, les problèmes environnementaux et le vieillissement de la population paysanne.
Nous sommes bien conscients des limites de cette tendance du café de spécialité, que ce soit pour la confusion liée à la terminologie, le manque d'homogénéité quant au sens lui-même ou encore des pratiques abusives à des fins purement marketing.
Parfois, c'est vrai, certaines marques de café dit de "spécialité" se font une marge importante alors que les producteurs ne voient pas la couleur de l’excédent payé par les consommateurs finaux.
Trop souvent encore l'industrie du café, y compris de spécialité, manque de transparence et n'assure pas un partage équitable des ressources.
Et pourtant ... après avoir parcouru le monde du café pendant 10 mois, nous avons observé un grand changement dans tous les pays producteurs ... et cela nous laisse un peu d'espoir pour l'avenir du café.
Ce n'est peut-être pas (encore!) parfait, on ne trouvera pas partout un score de 86 et plus. Mais c'est un énorme pas en avant vers la qualité et la durabilité.
C'est pourquoi nous avons décidé de présenter une série de portraits. Du producteur au barista, d'Afrique au Brésil, il existe de nombreuses initiatives démontrant comment le café de spécialité a changé l'histoire et la vie de certaines personnes.
Maurillo Sampieri Valdés, Huatusco, Veracruz

Maurillo Sampieri est un jeune producteur de café de Huatusco, une petite ville très caféière située à l'ouest de Veracruz. La région est connue pour le brouillard intense qui peut recouvrir la forêt et la ville certains jours et qui contraste avec les fortes températures d'autre jours. Un climat qui convient bien au café mais qui n'en facilite pas la préparation.
[C’est pourquoi certaines multinationales préfèrent ne prendre aucun risque et ne procèdent alors à aucune fermentation. Le café est dépulpé, séché directement, lavé et bien poli pour éviter tout risque de surfermentation.On sacrifie les sucres pour la propreté. On aura un café sec, herbal, astringent mais supposément propre...]
L'arrière arrière grand-père de Maurillo, Remigio Sampieri, est arrivé d'Italie à la fin du XIXème siècle avec quelques autres familles. Il a acheté des terres et s'est lancé dans la production de café, en voyant le potentiel de ces terres fertiles et de son climat. lls n'étaient pas nombreux à faire ce pari à cette époque.

La famille a ensuite pris la relève pour devenir un important beneficio (station de préparation des cerises et du café parche) et exportateur. Dans les années 80, ils achetaient des cerises de café à de nombreux petits producteurs de la région et exportaient du café lavé dans le monde entier.
Mais les années 90 marquent la fin des accords internationaux sur le café, des subventions aux agriculteurs et du système de quotas. C'est le début de la libéralisation du marché. Les multinationales se sont alors établis avec de meilleures conditions commerciales, générant une concurrence brutale et déloyale pour les producteurs et industriels nationaux.
La famille Sampieri a presque tout perdu. Le beneficio fut laissé à l'abandon et René, le père de Maurillo partit pour les États-Unis le temps de se refaire un peu d'argent. Quand il est revenu au pays quelques années après… toute l'installation étaient tombée en ruines.
Heureusement, les Sampieri n'ont pas vendu leurs terres. Ils ont continué à produire du café et à le le vendre aux multinationales, en gagnant plus ou moins selon les prix du marché mondial et local.
Maurillo, le plus jeune fils de la famille, a cependant il y a peu commencé à s'intéresser d'avantage au café et à entendu parler du "café de spécialité", de microlots et de qualité. Il a commencé à questionner le système de production intensive en monoculture, héritage de "la vieille école".

Il s'est intéressé à la diversité des variétés, des couleurs, des saveurs, à questionner l'influence du climat et des sols. Avec un groupe d'amis, ils ont commencé à expérimenter différents types de process: honey jaune, rouge, noir, avec séchage au soleil ou à l'ombre d'une bodega... Prendre des notes sur les paramètres, les éventuels défauts (physiques ou sensoriels) jusqu'à trouver la bonne recette.

Ce n'est que le début d'un fascinant voyage dans le monde du café de spécialité. Nous avons été impressionnés par leur enthousiasme. Animés par leur passion, ils ont pris le risque d'expérimenter, de perdre une partie de leur récolte et de leurs ressources, de dépenser du temps et de l'argent pour donner une valeur ajoutée à leur produit.
C’est le genre d’initiatives qui fait bouger l’industrie du café et que nous souhaitons encourager!
