Profilage du Café Ougandais

Café arabica, région de Sipi - Mont Elgon
Vous ai-je dit à quel point j'avais apprécié le café en Ouganda?
Depuis nos premiers pas dans les environs du mont Elgon, nous sommes allés de surprise en surprise. L’Ouganda est dans le top 10 des pays producteurs et pourtant… il reste très méconnu de la communauté du café de spécialité.

Personnellement, je connaissais ce pays comme le berceau du robusta et j’avais entendu dire qu’il existait également une production plus faible mais qualitative d’arabica. Je ne m'attendais cependant pas à trouver ce que je vais vous raconter...
Je commencerai par le café arabica de Sipi, district de Kapchorwa, région du mont Elgon.

Cette région a une longue tradition de production de café arabica avec principalement des variétés SL originaires du voisin kenyan. À cette altitude élevée, les caféiers ne souffrent pas encore trop de maladies et de parasites. Les grandes multinationales ont déjà senti le potentiel de production de la région. Il y a des caféiers partout, même si d'autres cultures lui ont été préférées par endroits.
On voit ici et là des panneaux indiquant le nom de grandes multinationales déjà bien implantées et qui mettent probablement peu l'accent sur la qualité et la formation des producteurs.
Pourtant, même dans ce contexte de production de volume, on trouve d'irréductibles passionnés disposés à suivre un autre modèle et visant un autre marché.

Nous avons eu la chance de rester quelques jours chez Joel Kaburu qui a grandi dans le café. Il en a fait sa passion après avoir travaillé pendant de nombreuses années comme guide du café de Sipi.
Joël produit ce qu'on peut appeler du "café de jardin", avec seulement quelques arbres sur son propre terrain.
Il est désireux d'apprendre et de comprendre toute la chaîne du café, de la production à la dégustation en passant par la torréfaction.
Mais ce qu’il aime vraiment, c’est travailler sur le process . Il s’est vite rendu compte que c’était la clé pour obtenir la qualité et influencer le profil en tasse.

C'est un profileur de café. Il achète des cerises de la région et fait des expérimentations: du café lavé au process naturel en passant par le honey jaune ou rouge. Quelle que soit la préparation, chaque étape de la préparation est contrôlée.

Il prend d'abord soin de sélectionner rigoureusement les cerises rouges, ce qui n'est pas une mince affaire (cf. article À la recherche de la cerise rouge), en retirant les grains flotteurs dans l'eau avant d'initier la préparation
Pour le café lavé, les grains sont mis à fermenter dans un sac juste après le dépulpage et jusqu'à ce que tout le mucilage soit éliminé. Il sont ensuite lavés, mis à sécher sur des lits africains et triés chaque jour pour retirer les grains défectueux.

Pour le honey process, la vigilance est encore plus élevée. Les grains encore enrobés de leur mucilage sont fréquemment remués. Parce que toute cette pulpe, tous ces sucres naturels laissés autour des grains génèrent un risque plus élevé de mauvaise fermentation ou de fermentation excessive. J'ai été vraiment impressionnée par les fragrances lactiques de cette préparation honey. Comme un cheesecake à la fraise!

Et alors... qu'est-ce que ça donne en tasse? Un café propre et très sucré, un corps crémeux, équilibré avec des acidités délicates et légères. Un café que j'aurais aimé pouvoir goûter en espresso et capuccino.
Je n'ai pas eu l'occasion de goûter à la préparation naturelle, sans dépulpage initial des cerises, car il était encore en préparation lorsque nous sommes partis. Mais je ne peux qu'imaginer le potentiel au vu du tri minutieux des cerises opéré lors du processus de séchage.

Voilà donc le café que nous avons eu la chance de déguster pendant les quatre jours passés avec Joel. Trop petit pour atteindre directement le marché international, mais avec un grand potentiel et qui pourrait intéresser la communauté du café de spécialité dans les années à venir.